Le chiot est effectivement sevré mais il n'a pas pour autant fini ses apprentissages naturels pendant sa socialisation primaire.
source : http://www.chien.nozamis.com |
En quoi consiste exactement le sevrage ?
Le sevrage est la période pendant laquelle un chiot va passer d'une alimentation lactée (lait maternel) à une alimentation solide (viande, os charnu, croquettes). Le sevrage n'implique rien d'autre que cela.Cette période débute généralement aux alentours de la 4ème semaine ; ce qui peut être influencé par la race (gabarit et besoins alimentaires différents), le nombre de chiots à allaiter et la propre capacité de la mère à produire du lait.
Pendant les 3-4 semaines qui vont suivre, plusieurs choses vont changer pour permettre cette transition alimentaire.
- La mère des chiots va peu à peu restreindre l'accès à ses mamelles. C'est un comportement naturel induit par :
- la pousse des dents de ses petits qui commencent à faire mal
- la capacité de la mère à fournir suffisamment de lait à des chiots qui grandissent vite
- la nécessité biologique à initier la période de détachement
- Les chiots vont de plus en plus s'intéresser au monde qui les entoure et, notamment, à ce qu'ils peuvent ingérer. Il n'est pas rare de voir pendant cette période des chiots traîner avec curiosité autour des repas de leur mère.
- La consommation de lait maternel va diminuer en même temps que l'ingestion d'aliments solides va augmenter
Certains conseilleront d'humidifier les croquettes pour les transformer en bouillie. Ceci afin de les rendre plus facilement mangeable par les chiots.
Comme pour l'alimentation des chiens, les croquettes ne sont pas la seule option pour les chiots en plein sevrage. Et heureusement sinon cela ferait des millénaires que l'espèce chien domestique aurait disparu.
Viande crue, os cru, jaune d’œuf cru et légumes cuits sont parfaitement envisageables ; à condition de respecter certaines règles pour les rendre plus facilement mangeables.
Des sites spécialisés en alimentation crue pourront vous fournir de nombreux détails là dessus.
- Tribu carnivore
- B-a-r-f.com
- The Natural Dog - en anglais
La socialisation primaire
Le début de la socialisation primaire coïncide avec le début du sevrage (voir au dessus). Cette période s'étend en moyenne jusqu'aux environs des 3 mois du chiot (12-14 semaines).On remarque dès à présent que la fin du sevrage et celle de la socialisation primaire ne sont pas identiques. J'insiste vraiment sur ce point car j'entends souvent que le sevrage est confondu avec la fin des apprentissages naturels et que la présence de la mère et de la fratrie n'est plus requise. C'est un abus de langage qui peut conduire à adopter un chiot trop tôt.
En prenant un chiot à 8 semaines, il sera effectivement sevré mais il aura encore des choses à apprendre de ses congénères.
La socialisation primaire - éthologues et biologistes préfèreront imprégnation ou empreinte - est un processus d'apprentissage par lequel le chiot va acquérir les bases de ses compétences sociales. Au-delà de ça, toute cette période va aussi avoir un impact sur son développement et son devenir d'adulte, sur ses capacités cognitives et sur sa personnalité.
Voici une belle analogie avec la socialisation primaire :
"Pour utiliser une métaphore informatique, l'imprégnation change le hardware (puce électronique avec sa vitesse et sa puissance de traitement de l'information et tout la circuiterie électronique), la socialisation ultérieure modifie les softwares, les programmes. Si le hardware est faible, les programmes ne pourront pas tourner de façon optimale. L'imprégnation booste le hardware"
Joël Dehasse - Tout sur la psychologie du chien
1 - l'identification à l'espèce
Pendant la socialisation primaire, le chiot apprend à s'identifier aux autres individus de son espèce. Le chiot sait qu'il est un chien. Dès lors, il sera parfaitement capable de faire la différence entre un chien (même d'une race différente de la sienne) et un individu d'une autre espèce. Pour un chien ayant connu la socialisation primaire, un humain ne peut pas être considéré comme un autre chien.On peut notamment observer ce phénomène avec la télévision.
Un chien sera généralement assez peu intéressé par ce qu'il se passe dans une télé. En revanche, si des chiens passent à la télé, les sons qu'ils produisent et les mouvements qu'ils font pourront tout à fait le captiver.
2 - la communication
La socialisation primaire permet aussi au chiot d'apprendre à communiquer avec ses congénères. Par communiquer il faut surtout comprendre qu'il s'agit essentiellement de langage corporel et de rituels comportementaux. Toutes les postures et les micro-mouvements qui permettent à un chien de pouvoir interagir avec un autre sont appris pendant cette période de socialisation primaire. De plus, un ensemble de comportements peut faire partie d'un rituel d'interaction qui est parfaitement compréhensible par tous les chiens. Cela aussi le chiot l'apprend. Par mimétisme d'abord, par expérimentation ensuite.3 - attachement et détachement
Le chiot est parfaitement capable de faire la différence entre n'importe quelle chienne et sa mère. Cet attachement biologique est nécessaire pour lui permettre de se nourrir auprès d'elle, de se coucher auprès d'elle, d'apprendre et de d'être rassuré.Aux alentours de 4-5 semaines, une fois que le sevrage a débuté, la mère va commencer peu à peu à se détacher de ses chiots. Ce détachement est tout autant nécessaire que l'attachement initial. C'est ce qui va permettre aux chiots de devenir plus indépendants.
La mère va commencer par restreindre les tétées pour finir par complètement refuser.
Elle ira se coucher à l'écart des chiots et refusera qu'ils la suivent partout.
Les jeux entre chiots feront l'objet de toute l'attention de la mère au début. Elle finira par rapidement s'en désintéresser. Une fois qu'elle jugera que ses petits n'ont plus besoin d'elle.
Elle repoussera ses petits s'ils sollicitent son attention et son affection.
En milieu intraspécifique, le détachement est complètement achevé aux alentours de 4 mois pour les mâles. Un peu plus tard pour les femelles.
Il n'est pas nécessaire d'attendre qu'un chiot soit complètement détaché de sa mère pour l'adopter. L'adoption ne fera qu'accélérer ce processus naturel.
En revanche, une fois le chiot adopté, il est très important de respecter la nécessité biologique du détachement.
Plus d'informations à ce sujet dans mon article "Du manque affectif à la maltraitance psychologique".
4 - les auto-contrôles
Derrière ce terme est compris un ensemble d'apprentissages visant à faire acquérir au chiot la gestion de ses émotions, de ses gestes et de sa morsure.Il est primordial que le chiot apprenne quand il doit s'arrêter dans un comportement qui peut être jugé comme indésirable ; par sa mère d'abord mais aussi par sa fratrie et les autres éventuels chiens qui l'entourent. Cela va lui permettre de mieux maîtriser ses mouvements et ses interactions mais aussi lui apprendra à canaliser son excitation.
Dans la plupart des cas, les auto-contrôles sont le résultat de conflits ritualisés et simulés.
Certains gestes de la mère envers ses petits peuvent paraître brutaux mais il n'y a aucune agressivité, aucune colère et surtout, aucune volonté de faire mal. Les chiots le sentent. Et après une "leçon" donnée par la mère, les chiots n'ont aucune difficulté à retourner jouer ou auprès d'elle.
On peut parfois voir une mère saisir la tête entière (ou une partie de la tête) d'un de ses chiots entre ses mâchoires pour l'inciter à s'immobiliser et à se calmer. Ce que le chiot fait très vite. Elle le laisse ensuite repartir après une éventuelle léchouille. On peut aussi voir une mère poursuivre ses chiots. Ces derniers se couchent à terre et roulent sur le dos pour signifier qu'ils ne veulent pas de conflit.
En revanche, contrairement à une croyance populaire, aucune mère ne prend ses chiots par la peau du cou pour les réprimander. C'est un mythe.
Voir mon article "Prendre un chien par la peau du cou".
Pour le contrôle de la morsure, c'est surtout entre chiots que ça va se passer, et pendant les phases de jeu.
Le rituel consiste à ce que pendant un jeu (de poursuite et de bagarre le plus souvent), l'un des chiots en prenne un autre pour cible et vient lui pincer l'oreille (ça peut aussi être une patte, la queue) avec sa gueule. On ne peut pas vraiment parler de morsure à ce stade. Le chiot mordu ainsi se met à pousser un petit cri, signifiant à l'autre qu'il lui a fait mal. Le chiot mordeur s'arrête. Et les rôles s'inversent. Peu à peu, les chiots vont apprendre ainsi à contrôler leur morsure.
Dans cet apprentissage, il n'y a là encore aucune agressivité. Il n'y a que des chiots débordés par leur excitation qui sont incités à maîtriser leur geste dans leurs interactions avec d'autres chiens.
La socialisation primaire ne se limite pas aux 4 points précédemment abordés mais vous avez là les grands principes.
À quel moment adopter un chiot ?
En partant du principe que vous allez le prendre dans un élevage sérieux, je vous conseille de l'adopter vers ses 3 mois. Et ceci afin qu'il puisse finir sa période de socialisation primaire.Cela peut représenter des frais supplémentaires pour l'éleveur par rapport à un autre qui vendrait son chiot à 8 semaines. Cela peut aussi être une source de frustration pour les futurs propriétaires qui doivent attendre 1 mois de plus que le délai légal. Délai légal qui est une simple indication et non une directive. Mais tout cela en vaut franchement la peine.
Si vous tombez sur un éleveur pressé de vendre, méfiez-vous. Si en plus il vous pose peu de questions sur votre environnement et la manière dont vous allez vous occuper du chiot, méfiez-vous doublement. Et si en plus il n'a pas veillé à commencer une socialisation à l'homme, fuyez !
Pensez aussi à vérifier tous les documents liés à la vente qu'il doit vous remettre : http://www.scc.asso.fr/Documents-du-chien
Cela vaut la peine d'attendre les 3 mois du chiot car il aura alors toutes les bases sociales et comportementales nécessaires pour son équilibre comme pour son développement.
Adopter un chiot à 8 semaines (ou pire, avant !) c'est prendre le risque de voir apparaître plus tard un déficit dans les auto-contrôles. Ce qui peut conduire plus facilement à des troubles hyper (excitation, activité) avec des chiots qui ont du mal à se canaliser et à maîtriser leurs gestes. Ils sont plus maladroits, plus brutaux voire même, parfois, plus agressifs.
Retiré trop tôt, un chiot peut aussi montrer des signes de sur-dépendance affective. Le risque est moins élevé pendant qu'il est en pleine période de détachement à la mère. Cela est aussi en bonne partie de la responsabilité des propriétaires que de veiller à ce que leur chien ne soit pas hyper-attaché à eux.
La socialisation primaire est ce qui va permettre à un chiot de se construire psychologiquement. Interrompre cette période d'apprentissages qui seront des acquis pour la vie c'est prendre un risque certain quant à l'équilibre psychologique du futur chien. Et cela aura inévitablement un impact sur la relation qu'il entretiendra avec l'homme.
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