samedi 12 septembre 2015

Territorialité et marquage chez le chien domestique

Le chien est-il un animal territorial ? Le marquage urinaire est-il un marquage de territoire ?
Cet article, afin de pouvoir apporter des réponses à ces questions, se penche sur ce qu'est un territoire et ce que peut être la notion de territorialité pour le chien domestique.

Chien qui lève la patte pour faire son marquage urinaire
source : http://www.luckydoginteractive.com/

Territoire et marquage, ce qu'en dit l'éthologie

Les définitions qui suivent sont issues du Dictionnaire de l'éthologie, par Klaus Immelmann.

Territoire

On appelle territoire une portion du domaine vital défendue sélectivement, c'est à dire une aire sur laquelle la présence de l'occupant exclut la présence simultanée de congénères du même sexe (à l'exception des jeunes) ou - en cas de territoire individuel - de tous les congénères (éventuellement d'individus d'autres espèces).
Le territoire est occupé par un couple (territoire de couple), par un seul individu (territoire individuel) ou par un groupe d'animaux (territoire collectif). Plusieurs congénères adultes du même sexe peuvent en effet l'occuper simultanément. Toutefois, cette tolérance réciproque se limite aux membres du groupe.

Les fonctions du territoire sont multiples. Il peut assurer à ses propriétaires (et à leur progéniture) des ressources alimentaires suffisantes, éviter les perturbations qui résulteraient de la présence de congénères, et par là préserver la quiétude indispensable à la reproduction. Il peut aussi faciliter la quête alimentaire de ses occupants, grâce à leur connaissance intime des lieux, de même que l'accès aux refuges et chemins de fuite.
Des conduites particulières, des émissions sonores et des signaux chimiques peuvent intervenir dans la délimitation du territoire (comportement de marquage).

Territorialité interspécifique

Manifestation du comportement territorial entre individus d'espèces différentes. La principale fonction du territoire est de maintenir les rivaux à distance. Les compétiteurs auxquels un individu se trouve confronté au premier chef sont ses congénères, puisqu'ils soumettent le milieu à des exigences quasi identiques (ressources alimentaires, site d'incubation, etc.). C'est la raison pour laquelle le territoire n'est en général défendu que sur le plan intraspécifique, c'est à dire vis-à-vis d'individus de même espèce. Si toutefois deux espèces vivant dans un même milieu (sympatrie) éprouvent des besoins physiologiques presque identiques et se font donc directement concurrence, il devient intéressant de défendre également l'accès du territoire aux individus de l'espèce rivale.

Comportement de marquage

Au sens strict, le comportement de marquage s'applique simplement au marquage olfactif, c'est à dire au dépôt effectifs de marques (urine, matières fécales, sécrétions glandulaires.
D'autres auteurs lui accordent un sens plus large : ils désignent également par là la signalisation optique et acoustique, et réservent l'appellation plus précise "marquage olfactif" au dépôt de repères odorants.
Ces trois formes de marquages servent à la délimitation d'un territoire.
De plus les signaux odorants permettent à un individu de marquer son propre corps, des partenaires sociaux, par exemple son partenaire sexuel ou les membres de son groupe.


La notion de territorialité peut-elle être appliquée aux chiens domestiques ?

L'éthologie s'attache surtout à observer le comportement des animaux sauvages dans leurs milieux naturels. On parle éventuellement d'éthologie appliquée pour désigner l'observation des comportements chez les animaux domestiques.
Toujours est-il qu'il peut exister d'importantes différences comportementales entre des loups, des chiens sauvages et des chiens domestiques. Il n'est donc pas toujours évident de pouvoir appliquer à la lettre des notions générales d'éthologie à des animaux qui ont vu leurs comportements modifiés par des millénaires de domestication.
À l'instar de la hiérarchie de dominance, la notion de territorialité est très différente entre les canidés sauvages et domestiques. Chez ces derniers, elle est même pour ainsi dire absente.


Le marquage urinaire est-il un marquage de territoire ?

Tout d'abord, il ne faut pas confondre le comportement de marquage avec le comportement d'élimination de l'urine ; même si ces deux comportements peuvent s'exprimer au même moment.
Les chiens, mâles comme femelles, font leurs mictions en position accroupie.
Les chiens mâles, une fois arrivés à puberté, lèvent la patte pour marquer. Se faisant, ils en profitent aussi pour éliminer.
Des femelles aussi peuvent lever la patte. Ce comportement s'observe d'avantage chez les chiennes stérilisées.
Il arrive que dans certains contextes, les chiens mâles adultes éliminent en étant accroupis ; alors que dans d'autres contextes ils lèvent la patte. C'est notamment le cas quand ils se retrouvent dans leur jardin et que leurs messages ne peut parvenir efficacement à des congénères. Le chien perd alors son intérêt à marquer.

Le marquage est donc là pour transmettre un message aux autres chiens. Mais dans le cas du chien domestique, qu'est-il censé vouloir dire.

Rappel de concepts éthologiques

Selon le Dictionnaire de l'éthologie, le comportement de marquage par dépôt de repères odorants (en l'occurrence par l'urine) sert à la délimitation d'un territoire.
Selon ce même dictionnaire, le territoire est un espace qui n'admet pas la présence simultanée de congénères du même sexe (à l'exception des jeunes) ou de tous les congénères en cas de territoire individuel.

Un peu de rationalisme...

Si les chiens devaient marquer selon les concepts précédemment expliqués, il devrait en résulter qu'à peu près n'importe quel chien ne serait pas admis là où un autre a marqué son territoire. On verrait alors un véritable ballet de chiens passer leur temps à éviter toutes les zones qui ont été marquées. Je vous laisse imaginer à quoi ressembleraient les balades.
Et au cas où ces chiens souhaiteraient tout de même braver l'interdit en pénétrant sur un territoire censé être défendu par un autre chien, on assisterait systématiquement à des bagarres. Sauf en cas de stimulation sexuelle qui verrait alors les mâles se rapprocher des femelles.
Force est de constater que cela ne correspond pas à la réalité des chiens domestiques.

...et d'observation empirique

On ne voit pas de chien renifler un arbre qui a été marqué pour ensuite vouloir faire demi-tour afin d'éviter la confrontation. On ne voit pas non plus systématiquement de bagarres entre deux chiens de même sexe quand ils se retrouvent à proximité l'un de l'autre. Et les comportements d'agression peuvent avoir de multiples raisons qui n'ont rien à voir avec la territorialité.
Quand un chien est amené dans une maison déjà habitée par un autre chien, les voit-on forcément se ruer l'un sur l'autre pour se battre ? Non. Pourtant, si on devait appliquer la notion de territorialité aux chiens domestiques, il serait impensable qu'un chien puisse en tolérer un autre quand il est chez lui.

À l'évidence, le marquage urinaire du chien domestique ne sert pas à éloigner les congénères. À partir de là, il n'est pas possible de dire que ce marquage urinaire est un marquage de territoire.
La notion même de territorialité appliquée aux chiens domestiques est ainsi fortement remise en cause.


2 commentaires:

  1. J'explique a mes clients que ce marquage est plutôt comme facebook, des statuts d'humeur et des conversations messenger :)

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  2. pertinente analyse sur les limites et les critères qui définissent le territoire.
    Pour ma part j'ai trouvé certaines réponses dans le milieu domestique avec un petit guide : Comment dresser mon chien en 15 minutes par jour.
    bit.ly /3rh10Ca

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