Il existe de multiples situations pendant lesquelles un chien peut adopter des comportements d'agression. Mais avant d'entrer dans les détails de chacune de ces situations, il convient de clarifier ce qu'est un comportement d'agression.
Jusque dans une certaine mesure (voir plus loin La pulsion agressive), les comportements d'agression chez le chien sont parfaitement normaux ; en ce sens qu'ils ne sont pas caractéristiques d'un trouble comportemental. Cela étant, des troubles comportementaux peuvent conduire à des comportements d'agression. Encore faut-il faire la distinction entre un véritable trouble comportemental de type
psychogène et ce que l'on peut prendre pour un trouble comportemental alors que le chien ne fait qu'exprimer à sa manière ce qui ne lui convient pas.
Du reste, cette distinction est à faire pour l'ensemble des comportements du chien.
Que sont les comportements d'agression ?
Quand un comportement d'agression se manifeste, il n'y a pas forcément agression derrière. En fait, on peut même dire que la plupart des comportements d'agression sert justement à éviter l'agression. Ils participent avant à tout à un besoin de communiquer et de réduire/éviter les conflits.
Il ne faut pas confondre les comportements d'agression avec les comportements agonistiques.
Les comportements agonistiques incluent des comportements d'agression qui se manifestent aussi bien intraspécifiquement (entre individus de la même espèce) qu'interspécifiquement (entre individus d'espèces différentes) et le plus souvent sous forme de rituels. Dans les comportements agonistiques, il faut aussi inclure le comportement de fuite. Dès lors qu'il y a fuite, il n'y a plus de comportement d'agression.
En éthologie, les comportements d'agression englobe toutes les manifestations de l'attaque, de la défense et de la menace.
Les comportements d'agression peuvent impliquer la dominance (conflit/compétition impliquant au moins 2 individus et l'accès à une ressource ou sa préservation) mais en aucun cas, en ce qui concerne le chien domestique, ils ne peuvent résulter d'un caractère dominant (dominant n'est pas un trait de caractère) ou d'un chien dominant (la hiérarchie de dominance n'existant pas pour le chien domestique, il ne peut y avoir de chien ayant le statut de dominant). Plus de précisions à ce sujet dans l'article :
Mythe : hiérarchie de dominance entre l'homme et le chien.
Les comportements d'agression ne sont pas à confondre avec la prédation.
La prédation correspond à des patrons-moteurs (comportements innés déclenchés par un stimulus) qui sont découpés en différentes séquences :
- observation
- traque
- poursuite
- capture
- mise à mort
- transport de la proie
- ingestion.
La prédation vise à se rapprocher pour ensuite capturer là où, dans la plupart des comportements d'agression, il s'agit de mettre/garder à distance.
Les comportements d'agression sont essentiellement d'ordre social et communicationnel là où la prédation n'implique que prédateur et proie ; où le premier n'est motivé que par une ressource alimentaire qui est, chez le chien domestique, une motivation surtout instinctive et non un besoin vital. La prédation n'implique surtout pas de communication. C'est même exactement l'inverse avec des prédateurs qui feront tout pour ne pas signaler leur présence.
Les comportements d'agression se découpent principalement en trois phases :
- phase se menace
- phase d'agression
- phase d'arrêt
1. La phase de menace
Elle est caractérisée par différents comportements qui visent à communiquer par avertissement.
Grogner, montrer les crocs et aboyer sont des comportements de menace.
Les aboiements peuvent être des menaces comme ils peuvent être tout autre chose. Cela va dépendre de leur tonalité, de la répétition dans chaque séquence d'aboiements et de l'espacement entre ces séquences.
Les postures jouent aussi un rôle important dans la phase de menace. Elles peuvent être hautes ou basses selon le contexte, la personnalité ou encore les émotions. La peur n'engendre pas les mêmes postures que la colère.
2. La phase d'attaque
Elle est caractérisée par le fait qu'aucun des individus impliqués n'a cédé le moindre terrain.
- Cela peut être dû à un manque de compréhension des comportements de menace (ce qui est fréquent entre des espèces différentes qui n'ont pas le même mode de communication),
- Cela peut être dû à une motivation égale à accéder à une ressource (sexuelle, alimentaire, de confort, d'affection, ludique) ou à une motivation égale entre celui qui cherche à préserver sa ressource et celui qui cherche à se l'approprier,
- Cela peut être tout simplement dû au fait que la menace qui avait pour but la mise à distance a eu l'effet l'inverse en engendrant un réel conflit.
3. La phase d'arrêt
Elle se manifeste quand l'un des individus renonce à se battre.
Un chien qui se couche sur le dos et reste immobile adopte ainsi une posture de soumission pour signifier à l'autre qu'il souhaite l'arrêt des hostilités. Ce comportement est à l'initiative de celui qui capitule et non le résultat d'une soumission forcé par celui qui veut continuer.
Les principaux contextes des comportements d'agression
Il peut y avoir de multiples raisons pour lesquelles un chien peut adopter un comportement d'agression.
En plus des éléments extérieurs qui vont provoquer ces comportements, il faut aussi y inclure une dimension ontogénétique. C'est à dire l'ensemble des caractéristiques d'un individu qui vont participer à son développement depuis sa conception jusqu'à sa vie adulte (l'inné et l'acquis). Mais le phénotype comportemental (comportements hérités génétiquement) jouera sans doute un moindre rôle par rapport à tous les facteurs environnementaux qui vont façonner le développement psychologique d'un chien.
Sur ce dernier point, la socialisation - primaire comme secondaire - va jouer un rôle très important dans les comportements d'agression.
Voici quelques exemples de contextes pour lesquels ont peut observer des comportements d'agression
- L'agression de compétition
- L'agression de distancement
- L'agression de socialisation/éducative
- L'agression d'irritation
- L'agression de défense des autres
- La pulsion agressive
1. L'agression de compétition
L'agression de compétition se manifeste toujours par rapport à une ressource. Ressource qui sera essentiellement sexuelle, ludique, alimentaire, de confort ou encore d'affection.
Il y a compétition à partir du moment où un chien tente de s'approprier une ressource qui est détenue par un autre ou qu'il cherche à préserver une ressource acquise qu'on veut lui (re)prendre.
La notion de propriété est assez claire chez les chiens.
Ce qu'il est parvenu à prendre est à lui. Si cette ressource reste très proche de lui, elle est toujours à lui et il peut dans ce cas chercher à défendre son bien. Ce qui peut entraîner compétition et comportements d'agression.
La manifestation d'un comportement d'agression est beaucoup moins probable si ce que le chien avait pris auparavant est désormais éloigné de lui et qu'un autre se l'approprie.
Prenez un os de la gueule d'un chien et prenez le un fois que le chien s'en est éloigné, vous verrez que son comportement, dans bien des cas, ne sera pas le même.
Dans le deuxième cas, il n'y a pas eu compétition pour acquérir cette ressource.
2. L'agression de distancement
Cette agression a pour but de maintenir un autre individu à distance ou de faire en sorte qu'il s'éloigne car une zone de sécurité a été franchie ou la fuite n'est plus possible.
Certains chiens vont rester sur place ou faire à peine quelques pas en espérant que l'autre s'éloigne après l'avoir menacé (grogner, montrer les crocs, aboyer, adopter une posture adéquate).
D'autres vont se mettre à courir comme s'ils poursuivaient une proie, ou à reculer pour conserver une distance de fuite raisonnable.
3. L'agression de socialisation/éducative
Dans la plupart des cas, il s'agit d'agressions simulées et très ritualisées afin d'inculquer aux chiots les règles de vie dans un groupe social.
Ce type d'agression a surtout pour vocation d'apprendre aux chiots à se calmer (par immobilisation), à mieux contrôler leur geste et leur morsure et à mieux communiquer/interagir avec leurs congénères. Il est à noter que même si la manifestation de ces comportements éducatifs se fait sans réelle agressivité, les chiots sont tout de même parfaitement capables d'en comprendre tout le sens très vite.
Les comportements simulés sont très présents chez les chiens. Leurs jeux favoris sont des jeux de bagarre et/ou de poursuite ; ce qui n'est jamais qu'un tentative de reproduction de situations réelles.
Le jeu est sans doute le contexte le plus favorable pour que le chien puisse expérimenter et apprendre.
4. L'agression d'irritation
Ce type d'agression peut se manifester si on cherche à prendre une ressource au chien (voir L'agression de compétition) mais aussi si le chien subit une situation contraignante ou aversive.
Marcher sur sa queue, tirer ses poils, le déranger pendant qu'il dort/mange, le forcer à la soumission, le frapper, le menacer, le câliner trop fortement, crier, s'énerver, la douleur, etc.
Toutes ces situations peuvent conduire à des comportements d'agression par irritation.
5. L'agression de défense des autres
Le chien n'est pas directement menacé mais rien ne l'empêche de vouloir défendre les autres (membres intra ou interspécifique du même groupe social ou des individus - peu importe l'espèce - extérieurs au groupe). S'en suit généralement un comportement d'agression de distancement.
6. La pulsion agressive
Dans la plupart des cas, les comportements d'agression sont des comportements réactifs. C'est à
dire que le chien réagit à quelque chose qui ne lui convient pas et qui
va le pousser à avertir (menacer), à se défendre ou à attaquer. En
supprimant l'élément de cause on supprime la conséquence : le
comportement d'agression.
Dans d'autres cas, il peut s'agir de pulsions agressives. C'est à dire que le chien est à l'initiative de
l'agression ; et ce, sans qu'il y ait forcément d'éléments
objectivables pour en expliquer la raison. Ce type de chien est
imprévisible et dangereux.
Il est dans leur nature d'être agressifs sans que cela soit à imputer à une race ou à un croisement. Il existe certes des prédispositions génétiques aux comportements d'agression chez certains individus mais les facteurs environnementaux sont davantage déterminants pour façonner des individus aux pulsions agressives.
Faut-il donner des médicaments au chien pour le calmer et qu'il soit moins agressif ?
En premier lieu, la réponse est non !
À moins d'avoir affaire à un vétérinaire-comportementaliste, les comportements d'agression ne sont pas du ressort des vétérinaires. Malgré cela, certains peuvent tout de même être tentés de vous faire une prescription pour des médicaments de type psychotrope.
Avant d'en venir à ce genre d'extrémité, préférez voir un comportementaliste.
Faut-il dresser un chien pour inhiber ses comportements d'agression ?
Plutôt non que oui.
D'abord parce que le chien n'est pas forcément responsable et qu'il ne fait que réagir en chien. Or le dresseur va avant tout agir sur le chien ; même si cela peut s'accompagner de conseils donnés à son propriétaire.
Il importe avant tout autre chose de comprendre ce qui cause ce comportement avant de se pencher sur quoi faire pour éviter cela. D'abord la cause, après la conséquence. Cette approche est davantage celle d'un comportementaliste que d'un dresseur. Ça n'est pas une vérité absolue pour autant.
- Si je veux absolument arracher l'os de la gueule de mon chien et qu'il se met à grogner, il aura une bonne raison pour cela. La seule chose à faire est d'arrêter de vouloir lui arracher cet os et de le laisser tranquille.
- Si je le force à la soumission en l'obligeant à se coucher sur le dos et en le maintenant, là encore il aura des raisons de grogner. La seule chose à faire est d'arrêter de vouloir soumettre le chien et de commencer à l'encourager dans d'autres comportements plutôt que de punir ceux que l'on juge mauvais mais pour lesquels on ne se remet pas en question dans son rôle de guide.
- Si je le menace, lui crie dessus, le frappe ou utilise une quelconque autre forme de contrainte et/ou d'aversion, même chose. En arrêtant de recourir à ces méthodes, on évite aussi que le chien ressente le besoin de se défendre.
- Si mon chien grogne après des humains et/ou des chiens qu'il rencontre dans la rue, c'est peut-être qu'il est en manque de socialisation.
Faut-il stériliser un chien pour inhiber ses comportements d'agression ?
Non.
La castration n'est réellement efficace que pour moins d'un tiers des chiens mâles
(Neilson JC, Eckstein RA, Hart BL -
Effects of castration on problem behaviors in male dogs with reference to age and duration of behavior)
Pour plus de détails, voir mon article :
Castration et ovariectomie : avantages et inconvénients de la stérilisation.