Anxiété de séparation, hyperattachement et détachement

Si votre chien présente des signes de sur-dépendance affective et qu'il ne supporte pas vos absences, les réponses que vous cherchez se trouvent peut-être ici.

Entre l'animal de compagnie et son propriétaire humain, il y a avant tout une histoire d'affect. Mais là où l'humain est dans un besoin affectif quand il décide de prendre un animal pour compagnon, le chien, lui, est avant tout dans une nécessité biologique d'attachement.
Comme le suggèrent Raymond et Lorna Coppinger dans leur livre Dogs : A New Understanding of Canine Origin, Behavior and Evolution, si le chien domestique venait à disparaître, cela ne menacerait pas la vie humaine. En revanche, si l'homme venait à disparaître, la vie du chien domestique serait menacée dans sa forme actuelle.
chien anxieux
source : http://www.ovenbakedtradition.com

Qu'est-ce que l'anxiété chez le chien ?

Il n'est pas toujours simple de définir ce qu'est l'anxiété car il faut d'abord faire la différence entre ce qu'est une émotion, ce qu'est un sentiment et ce qu'est une humeur.

Avec quelques exemples
- La peur est une émotion
- La crainte est un sentiment
- L'anxiété est une humeur

- La colère est une émotion
- La haine est un sentiment
- L'irritation est une humeur (on parlera surtout de mauvaise humeur)

- La joie est une émotion
- L'amour est un sentiment
- La gaieté est une humeur (on parlera surtout de bonne humeur)

L'émotion est brève, intense et impulsive.
Le sentiment est durable et de plus faible intensité que l'émotion. Il est lié aux représentations cognitives et est souvent dirigé vers un "objet" précis (personne, lieu, contexte, événement, etc.).
L'humeur est un état général prolongé et de plus faible intensité qu'une émotion. Il n'est pas spécifiquement dirigé vers un "objet", contrairement aux sentiments.

L'anxiété est donc une humeur.
L'humeur est avant tout biochimique et influence la perception comme les comportements.
En venir à parler de troubles de l'humeur revient surtout à parler d'hyperthymie (excès d'humeur - euphorie ou dysphorie) ou d'hypothymie (insuffisance d'humeur). L'anxiété est une hyperthymie dysphorique.

De manière générale, l'anxiété est un état réactionnel prolongé qui peut être dû à ce que le chien perçoit comme une menace, une impossibilité, une frustration, un inconfort, un malaise, une incertitude ou encore  l'inconnu. Toutes ces situations peuvent générer du stress. Celui-ci, par le biais d'une réaction psychophysiologique, doit normalement permettre à l'organisme de se protéger et de s'adapter face à un élément extérieur déclencheur (stresseur) et menaçant son équilibre. Si l'organisme ne parvient pas à se rééquilibrer pour faire face, cela peut déclencher un trouble de l'humeur. Le stress peut donc générer de l'anxiété. Reste à savoir si le stress est indispensable pour cela ou si l'anxiété peut être déclenchée et entretenue sans stress. Les avis semblent diverger sur ce point.

N'importe comment, l'anxiété est un état invalidant pour le chien car celui-ci, par la perturbation et le déséquilibre de son organisme, se retrouve dans l'incapacité de s'adapter à son environnement.
Les manifestations les plus fréquentes de l'anxiété sont :
- les vocalises (gémissement, hurlements, aboiements)
- le grattage pour tenter de trouver une issue
- le léchage intensif
- les déambulations
- la malpropreté
- la destruction
- le manque d'appétit

Il est à noter que pour certains comportements et autres activités substitutives, le chien anxieux peut avoir du mal à les stopper (c'est aussi le cas des chiens hyperactifs). C'est comme s'il se retrouvait à devoir répéter les mêmes mouvements en attendant de trouver une solution ou de recevoir un signal qui ne vient pas.
On distingue une séquence comportementale en 3 phases distinctes. La phase stimulante, la phase consommatrice et la phase d'arrêt. Certains chiens anxieux semblent bloqués en phase consommatrice.

Qu'est-ce que l'anxiété de séparation ?

L'anxiété de séparation va de paire avec l'hyperattachement (voir plus loin). Cela dit, quand il est rapporté qu'un chien souffre d'anxiété de séparation parce qu'il détruit, devient malpropre, aboie ou essaye de fuguer en l'absence de son propriétaire, il peut s'agir d'anxiété mais pas forcément d'anxiété de séparation.
Une fois le chien livré à lui-même pendant une longue période, il peut très bien connaître une intense frustration due au manque d'activité. Et cette frustration peut conduire à des activités substitutives par besoin de compenser.

Dans le cas d'une véritable anxiété de séparation, le chien souffre d'être trop dépendant affectivement. Il n'arrive pas à être autonome, et en l'absence de son propriétaire, son être d'hyperattachement, le chien se retrouve perdu, désemparé, anxieux.
Cet état est comparable à celui de jeunes chiots qui, une fois éloignés de leur mère, peuvent se mettre à gémir pour l'appeler et la faire revenir parce qu'ils sont perdus sans elle. Mais cette hyperattachement à la mère dans les premières semaines de vie d'un chiot va devoir rapidement diminuer après le premier mois.
Le sevrage aura débuté, et la mère va initier le détachement en tant que processus progressif, naturel et nécessaire au devenir du chiot en tant qu'adulte capable et équilibré.
C'est pour cette raison que l'hyperattachement est aussi caractéristique d'un infantilisme chez le chien.

À quoi reconnaît-on l'hyperattachement ?

Plusieurs signes, mis bout à bout, permettent généralement de conclure à un hyperattachement.
  • Dès que l'être d'attachement s'éloigne, le chien cherchera à le rejoindre au plus vite. De manière générale, il cherchera à être en permanence au contact de son être d'attachement
  • Il ne supporte pas d'être séparé ou alors pas trop longtemps
  • Si une porte se ferme pour l'empêcher de passer, il pourra se mettre à gémir et/ou à gratter
  • Il a des comportements excessifs dès que l'être d'attachement réapparaît. Ce qui peut s'accompagner par quelques gouttes d'urine
  • Il est facilement en état d'hypervigilance au moindre mouvement
  • Il mange le plus vite possible si sa gamelle est éloignée du lieu où se trouve l'être d'attachement
  • Il tente d'établir un maximum de contacts physiques
  • Il est de nature agitée, en excès, a du mal à se canaliser
  • Et il manifeste tous les symptômes de l'anxiété de séparation dès que son être d'attachement n'est plus là

Tous ces comportements vont à l'encontre du développement normal chez le chien. Où celui-ci aurait dû normalement apprendre à se détacher pour devenir plus autonome. Ce qui passe par une meilleure gestion des états émotionnels et par la capacité à pouvoir accomplir certaines tâches seul (se nourrir, se défouler dans le jardin, dormir, jouer).

Certes, le chien sera toujours un animal dépendant. Mais il lui est aussi possible de basculer dans une sur-dépendance affective. Ce qui est nuisible à lui comme à la relation.

Pourquoi apprendre au chien à se détacher ?

C'est une question compliquée pour nombre de propriétaires parce que la présence d'un animal de compagnie répond avant tout à un besoin affectif chez l'homme. Et on attend donc des chiens qu'ils soient attachés à nous comme nous sommes disposés à être attachés à eux.
Cette dépendance affective de la part de nos chiens nous rassure, nous satisfait. Ce faisant, nous les entourons parfois de trop d'attention, de trop de protection et de trop nombreuses marques d'affection. Et ce qui était au départ une dépendance bien naturelle devient une sur-dépendance handicapante et infantilisante pour le chien.

Il est donc tout à fait possible de maltraiter psychologiquement un chien par un trop plein d'amour de notre part. Ceci est expliqué plus précisément et longuement dans l'article : Du manque affectif à la maltraitance psychologique.

Il est alors primordial de comprendre la nécessité biologique du détachement.

Ce détachement est initié par la mère au début du sevrage. Il se poursuivra progressivement jusqu'aux alentours du 4ème mois. Entretemps, la mère aura mis fin à certaines habitudes comme le fait que les chiots dorment avec elle, qu'ils se nourrissent auprès d'elle, qu'ils la suivent partout et qu'ils la sollicitent tout le temps. Elle finira par ne plus du tout tolérer certains comportements.
Peu à peu, les chiots vont devoir apprendre à se gérer, à aller au contact des autres chiens, à explorer et à expérimenter par eux-mêmes.
Cet attachement indispensable au tout début de leur vie et maintenant bel et bien révolu. Cela permettra à ces chiots un naturel développement psychologique qui participera à en faire des adultes équilibrés et un tant soit peu autonomes.

Il n'y a non seulement aucune raison de procéder autrement avec un chiot que l'on vient d'adopter mais en plus, il est salutaire de respecter ce détachement. Malheureusement, de nombreux propriétaires semblent ignorer - parfois volontairement - ce processus pourtant naturel et nécessaire.

Sauf cas extrêmes, un chien sera toujours attaché à son propriétaire. Il ne faut donc pas craindre de se montrer parfois distant, d'interdire l'accès à certaines ressources (notamment affectives), de ne pas répondre aux exigences de sollicitations et de laisser faire le chien dans certaines situations sans chercher à être trop présent voire à le surprotéger. En cas de rencontre avec un autre chien, par exemple.
Il faut l'aider à grandir et non le maintenir à l'état psychologique de chiot ; même si cela peut être rassurant de voir son chien si dépendant et attaché. Parce que cela veut dire qu'il a besoin de vous, comme un enfant a encore besoin de ses parents.

Cela dit, le chien n'est pas un enfant. C'est un chien. Et il grandit vite ! Il a certes besoin de vous mais pour être guidé et non étouffé.


3 commentaires:

  1. Merci pour ces informations
    et si l'on constate cela alors qu'il est déjà adulte ?
    que peut-on faire ?

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    Réponses
    1. Bonjour Natalie,
      Et bien le mieux que je puisse vous conseiller est de faire appel à un véritable comportementaliste.

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  2. Bonjour
    j'ai un jeune fox de 4 mois mâle,après l'avoir facilement détaché de l'habitude des canapés et du lit ,je n'arrive pas à le dissuader d'aboyer à chaque fois que je pars en voiture , il monte facilement dans sa caisse de transport ou dans l'espace grillagé et ajouré du coffre mais s'énerve systématiquement en cherchant à me rejoindre sur le siège avant ,même lors de courts trajets pour la balade ,il finit par s'endormir mais répète à chaque départ c'est éprouvant.je pensais facilement régler le pb ,mais au bout d'une semaine je butte .dois je lâcher un peu de lest en le prenant sur le siège passager avant et retenter ensuite ou auriez vous une autre solution.?
    merci
    Oscar

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Qui suis-je ?

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Ermont, Ile de France, France
En tant que comportementaliste, je suis spécialisé en comportements canins et j'interviens dans la relation homme-chien. J'aide les propriétaires à mieux comprendre leur chien et à mieux se faire comprendre d'eux. Mon approche est éthologique et systémique.