À notre époque, quand on réfléchit à la manière dont nous pouvons nourrir nos chiens, le réflexe est presque toujours de penser aux croquettes.
C'est devenu tellement courant de les nourrir ainsi que c'est maintenant une norme ; et nous ne nous posons plus de question sur le bien-fondé d'une telle alimentation.
Si même les vétérinaires en vendent dans leur cabinet, c'est que ça doit être bon pour le chien.
Pour bien comprendre comment les croquettes sont devenues une norme, il faut avant tout aborder le sujet d'un très important lobby de l'alimentation industrielle pour animaux de compagnie.
Fabricants de croquettes, organismes de recommandations en matière de santé et de nutrition, écoles de vétérinaires et vétérinaires eux-mêmes se livrent depuis plusieurs années à un "drôle" de jeu.
Un lobby gigantesque pour modeler les pensées
Nous savons tous à quel point les fabricants et les publicitaires peuvent se montrer inventifs afin d'orienter nos achats. Des milliards sont dépensés chaque année pour tout ce qui peut servir à (mieux) vendre un produit. Les techniques sont donc éprouvées et parfaitement rodées pour que cela puisse se justifier par un retour sur investissement.
Ce n'est pas différent en ce qui concerne l'alimentation industrielle pour chiens, et en particuliers les croquettes.
Il a donc fallu trouver un moyen d'insinuer dans la tête des propriétaires de chiens que les croquettes pouvaient remplir tous les besoins nutritionnels et qu'en plus elles étaient bonnes pour la santé. C'est là qu'interviennent les organismes de recommandations en santé et en nutrition.
Ces organismes sont en fait des regroupements de professionnels qui vont former d'autres professionnels et/ou leur fournir les recommandations nécessaires à l'exercice de leur métier et à leur communication avec les propriétaires de chiens.
Un "bref" exemple avec l'une d'entre elle.
En France, il y a l'AFVAC (Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie). Cette association forme en continu des vétérinaires après l'obtention de leur diplôme.
Sur la page d'accueil de leur site Internet -
http://www.afvac.com/ - on retrouve dans la catégorie "Grands partenaires de l'AFVAC" :
- Axience - industrie pharmaceutique
- Hill's - industrie alimentaire
- Merial - laboratoire pharmaceutique
- Royal canin - industrie alimentaire
- Virbac - laboratoire pharmaceutique
Et ici, la page Partenaires :
http://www.afvac.com/fr/document/partenaires/index.htm
Le rapport d'activité 2013/2014 de l'AFVAC donne les chiffres suivants pour l'investissement des partenaires :
- Séminaires Sections Régionales : 413 954€
- Séminaires Groupes d'Études : 343 258€
- Séminaires spéciaux (soirée ASV...) : 44 057€
- Congrès (partenariat, exposition commerciale, encartage) : 1 010 360€
- Publicité PratqueVet : 46 444€
Soit un investissement total de 1 858 073€
Les subventions des partenaires représentent dans le budget annuel de l'AFVAC :
- Séminaires Sections Régionales : 53,3%
- Séminaires Groupes d'Études : 41,6%
- Séminaires spéciaux (soirée ASV...) : 17,4%
- Congrès (partenariat, exposition commerciale, encartage) : 20,14%
Ces seules informations suffisent à se poser la question de l'indépendance d'une association comme l'AFVAC. Au-delà de ça, on peut aussi de poser la question suivante : quel peut être l'intérêt de grandes industries alimentaires et pharmaceutiques à investir autant d'argent dans une association qui forme des vétérinaires en continu...
Un des groupes d'études de l'AFVAC est particulièrement intéressant : le GENAD ( Groupe d'Étude en Nutrition, Alimentation et Diététique). Il est intéressant parce que l'un de ses membres, M. Blanckaert, est aussi consultant chez Mars Petcare (Royal canin) depuis 2010.
Il y a aussi les AFVAC Juniors. Voici ce que nous en dit le site de l'AFVAC : "Les AFVAC Juniors ont été créées au sein des quatre écoles vétérinaires
depuis plus de 10 ans. Elles sont animées par des étudiants volontaires
organisés au sein d’un bureau dont la tâche essentielle est la création
d’évènements scientifiques dans chaque école, et la présentation de
l’AFVAC et ses publications à l’ensemble des étudiants vétérinaires."
Trois rapports d'activité sont disponibles. Deux pour l'ENV (École Nationale Vétérinaire) d'Alfort (2007-2008 et 2008-2009) et un pour l'ENV de Lyon.
Parmi les informations données, voilà ce que l'on peut trouver :
- Soirée réalisée avec le soutien de Royal canin
- Soirée sur la démarche diagnostique à adopter en cancérologie, sponsorisée par Hill's
- Conférence sur les urgences, en association avec Royal canin
- Conférence sur la gestion du prurit, sponsorisée par Hill's
Et je ne parle même pas du même genre d'événements sponsorisés par l'industrie pharmaceutique.
Tout cela commence à faire beaucoup !
Pour plus d'informations sur ces associations (AAHA, AAFCO, WASVA, FEDIAF et AFVAC) aux recommandations sans doute pas si neutres, je vous invite à lire l'excellent livre-enquête de Jérémy Anso : Un poison nommé croquette.
C'est ce même livre qui m'a incité à vérifier par moi-même certaines informations avant de vous les livrer sur ce blog.
Une chose est certaine quand on approfondit ce sujet : c'est qu'entre ceux qui forment les vétérinaires (ENV, Associations de formation en continu), les fabricants de croquettes et les vétérinaires eux-mêmes, il y a de nombreux rapprochements qui ne peuvent pas être mieux désignés que par le terme de lobby.
Il ne faut donc pas s'étonner de voir de grands présentoirs Royal canin, Hill's ou encore Purina Pro Plan envahir les cabinets de vétérinaires. Du coup, ces marques jouissent d'un gage de confiance certain parce qu'elles sont présentes dans le lieu même où, aux yeux de beaucoup, se trouve un expert en santé et en nutrition. Les fabricants de coquettes ne pouvaient pas rêver meilleure publicité.
Tout cela ne serait pas un problème s'il n'y avait rien à redire sur les croquettes. Or, non seulement leur composition est susceptible de poser de sérieux problèmes de santé mais les croquettes présentent aussi l'inconvénient de proposer une activité alimentaire très pauvre pour le chien.
En fait, le seul avantage des croquettes est pour le propriétaire du chien. C'est pratique !
Pour développer ces derniers points, il convient de commencer par parler du métabolisme digestif du chien
Le métabolisme digestif du chien
source : Docteur Duprez, chirurgien vétérinaire et
président du groupe de chirurgie vétérinaire français - Métabolisme digestif du chien)
Le chien est un carnivore. Mais contrairement aux chats et aux loups qui eux sont des carnivores strictes, le chien, lui, est devenu un carnivore non strict.
Cela veut dire que son système digestif est essentiellement conçu pour métaboliser une grande quantité de protéines animales mais qu'il peut aussi assimiler d'autres aliments. À condition que ces aliments soient en petite quantité et intégrés comme aide à la digestion et non comme apport supplémentaire de nourriture.
Contrairement à l'homme, la salive du chien ne possède ni
amylase (enzyme permettant le catabolisme des glucides complexes - l'amidon) ni
cellulase (enzyme permettant le catabolisme de la cellulose - glucide aussi et principal constituant des végétaux). Chez le chien, ce travail de dégradation des glucides reviendra donc entièrement au pancréas.
Plus l'alimentation du chien est riche en glucides, plus le pancréas est sollicité.
Mais par un merveilleux "hasard", les fabricants de croquettes ne sont pas tenus d'indiquer la teneur en glucides sur leurs produits. Les associations de recommandations n'ont sûrement pas jugé cela nécessaire...
Et il se trouve que l'amidon est un facteur important dans la fabrication d'une croquette. C'est ce qui en fait un aliment solide et non de la poussière. J'y reviendrai plus tard.
Une cuisson prolongée et à plus de 100° permet de déstructurer une partie des glucides contenus dans les aliments ; améliorant ainsi leur digestibilité. Pour autant, cela ne prive pas le pancréas d'une surproduction enzymatique. Cela à pour conséquence un ralentissement de tout le processus digestif.
Et voilà la conclusion du Dr Durpez :
"Ce ralentissement
entraîne la stagnation des aliments au niveau de l'estomac, puis de l'intestin
grêle, où les aliments vont fermenter de longues heures, ce dernier n'étant pas
en capacité de les absorber correctement. Ces résidus alimentaires non absorbés
pénètrent alors dans le gros intestin (côlon), où une flore microbienne très
abondante les dégrade sous forme de gaz, qui seront évacués.
Les conséquences
pathologiques les plus fréquentes d'un excès de glucides et en particulier de
glucides complexes (amidon essentiellement) sont, sur un court terme, des
troubles du transit (flatulences et diarrhées) et un accroissement possible des
risques de torsions d'estomac (hypothèse vétérinaire récente) ; et à plus
long terme, les pancréatites (inflammations du pancréas) et les insuffisances
pancréatiques (dans le cas d'une consommation excessive et régulière d'hydrates
de carbone)"
La composition des croquettes
Comme expliqué auparavant, aucune croquette ne peut se passer d'amidon. Et parmi les aliments les plus riches en amidon on trouve surtout des féculents (céréales, tubercules, légumineuses). Rien d'étonnant donc à ce qu'on retrouve ce type d'aliment dans les croquettes.
Ajoutons à cela que plus on remplace la viande par des féculents et plus le coût de fabrication baisse. Cela fait 2 très bonnes raisons pour les fabricants d'incorporer des féculents dans leurs croquettes ; et ce, même dans des proportions qui ne correspondent pas aux besoins nutritionnels du chien ni à sa capacité à les digérer correctement. On a sans doute là la principale cause de troubles digestifs chez le chien et des pathologies qui y sont associées (voir au dessus).
De nombreuses marques de croquettes emploient des céréales parmi les premiers ingrédients d'une composition. Certaines de ces marques ne donnent même aucune précision quant à l'origine des céréales (blé ? maïs ? riz ?). Suggérant qu'il peut s'agir de sous-produits végétaux (qualité nutritionnelle faible, impropres à la consommation humaine).
Les pires croquettes sont sans doute celles que l'on peut trouver en grandes surfaces (Frolic, Friskies, Pedigree, Fido). Trop pauvres en protéines animales (et souvent d'une qualité douteuse - sous-produits) et trop riches en glucides. Tout l'inverse de ce qu'il faudrait à un chien.
Celles que l'ont trouve en magasins spécialisés ou dans les cabinets de vétérinaires (Royal canin, Hill's, Pro Plan, Eukanuba) ne sont guère mieux. Là encore, trop pauvres en protéines animales (et beaucoup de sous-produits) et trop riches en glucides.
Je pourrais détailler la composition de chaque paquet de croquettes mais ce serait un travail extrêmement long et fastidieux. Je vous invite donc à regarder par vous-mêmes la composition des croquettes.
De manière générale, évitez celles dont des féculents (surtout des céréales en fait) figurent parmi les premiers ingrédients. Évitez aussi celles dont l'origine des produis n'est pas clairement définie ou comprenant beaucoup de sous-produits (animaux et végétaux).
Rien qu'avec ça, vous supprimez la plupart (toutes ?) les croquettes que l'ont peut habituellement trouver dans le commerce.
Pour être parfaitement clair, à mon sens, il n'existe aucune bonne croquette ; il en existe juste de moins mauvaises que d'autres.
Voici une excellente infographie sur la manière de comprendre la composition des croquettes :
http://www.primitif-addict.com/general/infographie-arnaque-croquettes-chien/
Comparaison entre plusieurs croquettes
À titre d'exemple, prenons les compositions de plusieurs produits - parmi les marques les plus connues et respectées - et comparons avec Orijen. Une marque beaucoup moins connue.
Tous les ingrédients en rouge sont soit d'une origine douteuse (aucune précision) soit des ingrédients susceptibles d'être très riche en glucides (ce qui est beaucoup moins un problème s'ils se retrouvent en fin de composition car alors ils ne constituent qu'une toute petite part de la composition totale).
Royal Canin Selection Premium Croc+
Ingrédients : céréales, viande et
sous-produits d'origine animale, huiles et graisses, extraits de
protéines végétales, sous-produits d'origine végétale, minéraux,
levures.
Royal Canin Maxi Adult
Ingrédients : maïs, protéines de volaille
(déshydratées), farine de maïs, graisses animales, viande de porc
(déshydratée), gluten de maïs, protéines animales (hydrolysées), pulpe
de betteraves déshydratées, minéraux, huile de poisson, huile de soja,
levures, hydrolysat de crustacés (source de glucosamine), hydrolysat de
cartilage (source de chondroïtine).
Pro Plan Adult Large Breed Robust
Ingrédients : poulet (19 %), blé, maïs,
gluten de maïs, protéines de volaille déshydrogénées, riz (7 %), pulpe
de betteraves déshydratée, autolysat, fibre de blé, protéines de poisson
déshydrogénées, graisse d'origine animale, minéraux, œuf déshydraté,
huile de poisson.
Frolic Complete, boeuf
Ingrédients : céréales (dont 4 % de blé), sous-produits d'origine végétale, viande et
sous-produits d'origine animale (dont 4 % de viande fraîche dont 4 % de
bœuf), huiles et graisses (dont 1 % d'huile de tournesol et 0,25 %
d'huile de poisson), légumes (4 % de carottes), minéraux, extraits de
protéines végétales, poisson et sous-produits de poisson.
Pedigree Adult, 5 variétés de viande et légumes
Ingrédients : céréales (dont 14 % de maïs, 10 % de blé complet),
viande et
sous-produits d'origine animale (dont 4 % de 5 variétés de viande
contenues dans les croquettes brunes),
huiles et graisses (dont 0,25 %
d'huile de poisson, 0,4 % d'huile de tournesol),
extraits de protéines
végétales,
sous-produits d'origine végétale (dont 2 % de pulpe de
betteraves sucrières), minéraux,
légumes (dont 4 % de carottes contenues
dans les croquettes oranges, 4 % de haricots contenus dans les
croquettes vertes).
Orijen Adult
Ingrédients : viande fraîche de poulet désossée (22 %), viande de poulet déshydratée
(15 %), foie de poulet frais (4 %), hareng frais entier (4 %), viande de
dinde fraîche désossée (4 %), viande de dinde déshydratée (4 %), foie
de dinde frais (3 %), œuf entier frais (3 %), sandre frais sans arêtes
(3 %), saumon frais entier (3 %), cœurs de volaille frais (3 %),
cartilage de volaille (3 %), hareng déshydraté (3 %), saumon déshydraté
(3 %), huile de foie de volaille (3 %), lentilles rouges, petits pois,
lentilles vertes, alfalfa séché au soleil, igname, fibres de petits
pois, pois chiches, potiron, courge butternut, feuilles d'épinards,
carottes, pommes Red delicious, poire Bartlett, canneberges, fucus,
racines de réglisse, racines d'angélique, fenouil, soucis, fenouil doux,
feuilles de menthe poivrée, camomille, pissenlit, sarriette, romarin.
Comme on dit, il n'y a pas photo !
Croquettes et activité alimentaire
Un autre problème avec les croquettes est celui de la très pauvre activité alimentaire que cela offre à nos chiens.
Dans de nombreux cas, les croquettes ne se croquent pas ou peu, elles s'engloutissent. Cela engendre deux problèmes :
- Certains chiens peuvent éprouver le besoin de compenser la faible activité masticatoire pendant les repas. Ils peuvent par exemple mordiller davantage, surtout s'ils sont jeunes. Attention, ce n'est pas la principale explication pour les mordillements du chiot mais cela peut avoir une incidence sur la fréquence et l'intensité.
- L'autre problème, plus sérieux, est le manque de satiété. Si les croquettes s'avalent vite (les temps de repas avec les croquettes sont généralement très courts), les signaux de satiété n'ont pas toujours le temps de parvenir au chien. Il peut donc toujours éprouver le besoin de manger même s'il a obtenu la quantité qu'il lui fallait. Y aurait-il une relation entre les cas croissants d'obésité et les croquettes ? Je le pense ; même si ce n'est certainement pas la seule raison.
Les mécanismes biochimiques de satiété ne font effet qu'après une vingtaine de minutes. La fatigue masticatoire participe aussi à indiquer au chien qu'il a assez mangé.
Croquettes et hygiène dentaire
Et enfin, pour conclure, les croquettes sont aussi certainement responsables d'une mauvaise hygiène dentaire. Cela est principalement dû à la friabilité de cet aliment qui, en se décomposant en minuscules grains, s'insère facilement entre les dents du chien. Tartre, gingivite, dents abîmées et mauvaise haleine ne sont pas loin. 80% des chiens de plus de 3 ans auraient des problèmes bucco-dentaires (source Pedigree).
Mais qu'on se rassure, un fabricant de croquettes comme Pedigree a aussi pensé à fabriquer des bâtonnets anti-tartre. Vendus sous l'appellation Dentastix, ces bâtonnets sont censés fournir au chien une meilleure hygiène dentaire.
Ingrédients : céréales,
sous-produits d'origine végétale,
minéraux (dont 2,5 % de tripolyphosphate de sodium),
viande et
sous-produits d'origine animale,
extraits de protéines végétales,
huiles
et graisses.
Je vous laisse juge...
Oubliez les friandises pour hygiène dentaire et autre dentifrices spéciaux. Le mieux que vous puissiez donner à votre chien pour ses dents est un vrai os cru.
Cela va lui permettre de se nettoyer les dents naturellement et d'avoir une activité masticatoire satisfaisante. J'insiste sur le "cru". Ainsi les os sont beaucoup moins cassants et on évite les esquilles.
En conclusion
Les croquettes présentent de nombreux inconvénients (santé, hygiène dentaire, comportement alimentaire) pour les chiens et aucun avantage. Le seul avantage notable est au bénéfice du propriétaire pour qui ce type d'alimentation est très pratique et possiblement peu coûteux.
Sur ce dernier point, je ne suis vraiment pas sûr que l'économie réalisée avec des croquettes de mauvaise qualité soit un bon calcul. Compte tenu des risques pour la santé du chien et des visites chez le vétérinaire que cela peut impliquer, cette économie pourrait avoir à terme un sérieux coût.
Fort heureusement, il existe d'autres types d'alimentation pour le chien ; beaucoup plus respectueux de son système digestif, de ses besoins et de sa santé. Je pense surtout au Barf et au Raw feeding.
J'en parlerai certainement dans de futurs articles.