Relation homme-chien : un duo gagnant/gagnant

Autant le dire tout de suite, il n'existe pas à mon sens une recette unique qui permettrait de garantir une bonne relation entre l'homme et le chien. Cela étant, il y a très certainement des choses à savoir pour mieux comprendre son chien ; et ainsi mieux identifier ce qui est un comportement normal chez l'espèce chien domestique et ce qui peut relever d'un véritable trouble du comportement.

Cet article n'a donc pas pour vocation d'édicter des règles à respecter absolument quand on a un chien mais simplement d'expliciter ce qu'est véritablement un chien et comment il peut s'intégrer dans un système social.

Relation entre homme et chien
source : http://www.vox-animae.com/


Mon chien ne doit voir que par moi

Si on veut ; mais dans la réalité ça ne va pas ce passer comme ça.
En tant qu'être d'attachement, l'être humain représente un point de fixation important pour les besoins affectifs et sociaux du chien. Cependant, il y aura très certainement des moments pendant lesquels le chien ne fera plus du tout attention à son propriétaire parce qu'il sera complètement accaparé par son environnement et/ou par d'autres individus ; surtout d'autres chiens.
Et c'est normal.

Il est absolument vain de vouloir entrer en compétition face à des stimuli qui feront réagir instinctivement le chien. Comme pour les patrons-moteurs de prédation et l'attraction quasi irrésistible qu'un chien exerce sur un autre chien, par exemple. Ce n'est pas pour autant qu'il ne sera plus attaché à son propriétaire. Il ne fait qu'adopter un comportement canin tout ce qu'il y a de plus normal.

Ajoutons à cela l'intérêt que peut représenter l'inconnu.
Le chien va avoir besoin de vérifier par lui-même ce qu'il ne connaît pas encore afin de transformer l'élément inconnu en représentation cognitive. Alors que son être d'attachement, il le voit tout le temps. Il le connaît par cœur.
Le jardin de la maison ne peut pas entrer en compétition avec tout le monde extérieur qui se dessine quand le chien se balade dehors.
De la même manière, il faut accepter que le chien puisse ne pas voir que par nous. C'est non seulement normal mais c'est aussi plutôt sain.

C'était mignon quand il était petit mais là ça devient pénible

Une erreur courante commise par les propriétaires de chien est de tolérer certains comportements chez le chiot et de ne plus les supporter une fois que le chien est dans sa période de puberté ou adulte. Sauf pour les plus petites races où il y a moins d'écart, le chien devenu adulte n'a plus la même taille, ne pèse plus le même poids et n'a plus la même force. Un chien adulte qui saute sur son propriétaire ne fait pas le même effet qu'un chiot.
Comment veut-on que le chien comprenne cela tout seul ? Il faut être cohérent.

Si on ne guide pas le chiot à devenir un adulte et à ne plus adopter certains comportements que l'on pourrait juger nuisibles plus tard, il ne va pas y arriver tout seul.

Le Principe de Premack

Le Principe de Premack stipule que, dans une situation où il est possible de faire l’une ou l’autre de deux réponses ou activités à un temps donné, celle dont l’apparition est la plus probable pourra renforcer, donc augmenter, l’autre réponse moins probable, mais non l’inverse.
Par exemple,
Le chien a pris l'habitude de tirer comme un fou sur la laisse dès qu'il voit un autre chien. Dans ce genre de situation, il y a deux réflexes qui sont très courants.
Soit on tire sur la laisse pour ramener le chien vers soi puis on s'éloigne du chien qui arrive en face.
Soit on tire sur la laisse pour ramener le chien vers soi puis on maintient le chien en tendant la laisse ; et on attend que l'autre passe.
Sans compter que cette petite chorégraphie peut s'accompagner de nombreux ordres donnés généralement d'un ton peu amical.

- "Viens ici ! Au pieds j'ai dit ! Mais reviens bon sang ! Allez viens maintenant, au pied ! Calme toi, tout va bien, AU PIED !"

Le chien va parfaitement comprendre, bien sûr. Enfin... il va comprendre que vous êtes énervé(e) sans savoir pourquoi et que vous attendez quelque chose de lui, mais ce n'est pas très clair. Et surtout, ce qu'il va comprendre, c'est qu'il ne peut pas aller se précipiter vers l'autre chien pour faire connaissance et peut-être jouer avec lui.
Autrement dit, le chien est forcément mis en échec dans cette situation.

Avec le Principe de Premack (dit aussi loi de grand-maman), nous allons appliquer une bonne vieille méthode pour que chacun puisse obtenir ce qu'il veut de l'autre.

De votre côté, vous souhaitez que le chien vous écoute et se calme.
Le chien, lui, veut rejoindre l'autre chien.

Deux cas de figure :
- Le chien obéit à l'ordre "au pied".
- Le chien n'obéit pas et continue de tirer sur la laisse.

Dans le premier cas, vous avez obtenu ce que vous vouliez. Il va donc falloir maintenant donner au chien ce qu'il voulait et lui permettre de rejoindre l'autre chien.
Dans le deuxième cas, vous n'avez pas obtenu ce que vous vouliez. Ne faites rien. Laissez le chien tirer sur la laisse en ne bougeant pas. Dès que le chien se retourne vers vous pour chercher à comprendre ce que vous faites, donnez lui l'ordre de revenir au pied. S'il le fait, permettez lui alors de rejoindre l'autre chien. S'il ne bouge pas, ne faites rien et recommencez les différentes étapes jusqu'à ce qu'il vous écoute.

En agissant ainsi, vous allez renforcer le comportement "revenir au pied" parce que le chien saura qu'il a quelque chose à gagner derrière.

Le Principe de Premack peut servir dans de très nombreuses situations de la vie quotidienne avec son chien. Mais pas qu'avec son chien...

Le culte du chien enfant

Appeler son chien mon bébé ou mon enfant n'est pas très grave. Ce qui l'est davantage c'est de véritablement le considérer comme un enfant humain et de le traiter comme tel. Et il arrive même que le chien devienne un substitut d'enfant pour les personnes qui n'en ont pas.
Entre les chiens que je peux voir et ceux dont mes confrères parlent, il semblerait qu'il y ait un très grand nombre de chiens que se conduisent comme des chiots ; même s'ils sont adultes.
Cela se caractérise le plus souvent par :
  • un hyperattachement
  • une propension à des troubles de l'humeur (hyperthymies euphoriques et dysphoriques, anxiété)
  • un syndrome HS-HA (hypersensibilité-hyperactivité)
  • des difficultés à arrêter des comportements (manque de phase d'arrêt, d'inhibition)
  • des difficultés à gérer les émotions (sensibilisation)
  • un manque d'autonomie
  • un manque de contrôle dans certains gestes
Ça ne veut pas dire que tous ces symptômes sont forcément dus à l'infantilisation des chiens. Et ça ne veut pas non plus dire que tous ces symptômes doivent se retrouver chez un chien infantilisé.
Il est juste question de dire qu'un chien infantilisé aura une plus forte probabilité de développer ces symptômes ; dont certains sont liés entre eux d'ailleurs.

Le souci - et j'en ai déjà parlé dans d'autres articles - et l'immense contradiction qui peut exister entre le manque affectif qui pousse à avoir un chien et le besoin biologique du chien d'apprendre le détachement.
Plus d'informations ici :
- Du manque affectif à la maltraitance psychologique
- Anxiété de séparation, hyperattachement et détachement

Le culte du propriétaire chef de meute

Un grand classique !
C'est un sujet toujours difficile car ce concept de relation entre l'homme et le chien est encore véhiculé par de nombreux professionnels (majoritairement des dresseurs). Ce concept n'a pourtant pas la moindre validité scientifique.
Aucune étude éthologique, à ma connaissance, n'atteste que le chien domestique est un animal qui vit spontanément en hiérarchie.
Aucune étude en psychologie animale et en sciences cognitives n'atteste, à ma connaissance, de la moindre nécessité à instaurer une relation de propriétaire chef de meute/dominant et de chien soumis/dominé.

Le chien domestique n'a non seulement aucun besoin d'avoir un chef de meute à la maison mais il n'a pas non plus le moindre besoin d'être traité comme un loup sauvage.
De plus, parmi les défenseurs de ce mythe qu'est la hiérarchie de dominance entre homme et chien, il est fréquent d'entendre ou de lire des absurdités à propos des loups ; dont ils se servent pourtant comme modèles.
Plus d'informations ici :
- Mythe : Hiérarchie de dominance entre l'homme et le chien
- Idées reçues sur le chien dominant

Il n'est pas question de dire qu'il ne faut pas de règles à respecter. Il y a juste une énorme différence entre contraindre le chien à obéir et le motiver à le faire. De même qu'il y a une nette différence entre autoritarisme et autorité.
Le chien a besoin d'être guider, accompagné et motivé. L'instauration d'une relation où le propriétaire serait le chef de meute donne trop souvent lieu à des maltraitances physiques et psychologiques, à de la soumission forcée, à des règles de vie absurdes, à une communication inadaptée et à des interprétations des comportements du chien qui dépendent directement de superstitions.

Ce concept de relation est sans doute l'un des plus grands torts causés par l'homme à l'endroit des chiens.

Le "non" et la communication avec son chien

Si on n'apprend pas à son chien à "parler notre langue", il est impossible d'attendre de lui qu'il nous comprenne parfaitement.
Pour illustrer cela, je vais prendre un exemple.

Un chien voit son propriétaire rentrer à la maison. Immédiatement, il se précipite sur lui, lui saute dessus, tourne tout autour, le bouscule, lui ressaute dessus, le lèche et aboie.
Le chien est juste coupable d'être très joyeux de revoir son propriétaire après une longue journée d'absence.

Son propriétaire se plaint que son chien n'écoute rien et ne se calme pas.
À chaque fois que le chien lui saute dessus, il lui dit non et le repousse.
À chaque fois que le chien le bouscule, il lui dit non et le repousse.
À chaque fois que le chien le lèche, il lui dit non et le repousse.
À chaque fois que le chien aboie, il lui dit non et le repousse.

À quel moment lui dit-il ce qu'il veut plutôt que de continuer à lui dire ce qu'il ne veut pas ?

Imaginez la situation suivante.
Vous êtes au restaurant. Le serveur s'approche et attend votre commande. Au lieu de lui dire directement ce que vous voulez manger, vous lui énumérez tout ce que vous ne voulez pas manger. Et à chaque fois que vous lui dites ce que vous ne voulez pas, vous marquez une pause et espérez que le serveur comprenne ce que vous voulez. Le serveur tente donc de vous proposer des plats mais à chaque fois vous lui dites non.
Et vous finissez par vous plaindre que le serveur ne comprend rien.
La communication entre propriétaires et chiens ressemblent souvent à ça.

Combien de fois, dans une journée, disons-nous non à nos chiens ?
Et combien de fois, dans une journée, disons-nous oui à nos chiens ?

Le problème n'est pas de dire non à son chien. Le problème c'est d'attendre de lui qu'il adopte spontanément un autre comportement alors qu'on ne lui a pas dit clairement ce qu'on attendait de lui.
Si on ne lui a pas appris notre langage, le chien ne peut pas comprendre seul ce qu'on veut. Il aura juste appris que "non" correspond à quelque chose qu'on ne veut pas.

Le "non" peut donc servir à limiter ou stopper un comportement. Cependant, il est important de proposer une alternative à son chien ; ne pas le laisser en situation d'échec. Et cela va passer par la compréhension de mots simples et par l'encouragement à adopter des comportements.
La motivation est toujours plus forte que la contrainte.

Faut-il punir son chien ?

La punition est une réponse à un comportement qui va rendre moins probable sa réapparition.
La punition n'est pas forcément une action violente et physique. La colère, la menace et les cris n'ont rien d'obligatoires non plus. Je dirais même que ce type de punition est contre-productif et assez lâche.
Il est facile de prendre un chien par la peau du cou et de le secouer.
Il est facile de donner de violents coups de laisse (coups de sonnette dans le jargon du dressage).
Il est facile de le frapper.
Il est facile de le menacer et de lui crier dessus.
Il est facile de le forcer à se coucher sur le dos et de l'immobiliser.

Ferions-nous la même chose si nous avions un tigre, un lion, un ours ou encore un crocodile à la place d'un chien ? Il y a fort à parier que non. On y réfléchirait à deux fois et on adopterait sans doute d'autres méthodes pour notre sécurité.
Mais le chien, lui, apparaît tout de suite comme étant beaucoup moins menaçant que les espèces que j'ai citées avant. Et il lui arrive même d'être parfois beaucoup plus petit. Alors on profite de se sentir supérieur et plus en sécurité pour parfois ne pas hésiter à le maltraiter.
Les chiens sont si maltraités ; pour oui ou un non.

Il ne faut donc pas confondre punition avec maltraitance.

Le chien a-t-il conscience de faire des bêtises ?

La bêtise est tout d'abord une question d'interprétation. Et c'est bien là le problème. Ce qui peut correspondre à une bêtise pour l'humain peut être un comportement tout à fait normal chez le chien.

Par exemple, un chien est propre dès qu'il ne fait plus ses besoins sur son lieu de couchage. Mais le propriétaire peut considérer comme une bêtise que le chien fasse ses besoins dans d'autres endroits de la maison ; et il peut même le punir pour cela. Ça n'a aucun sens pour le chien.
En même temps, si nous n'apprenons pas à nos chiens à faire leurs besoins à l'extérieur ils ne vont pas considérer tout seuls qu'il est normal d'attendre d'être sortis pour cela. Et c'est pareil si nous ne les sortons pas suffisamment. La bêtise est dans ce cas là à imputer au propriétaire, pas au chien.
Il faut aussi savoir qu'avant 4 mois, un chiot n'a pas encore un parfait contrôle de son sphincter.

En fait, pour être tout à fait clair, je ne crois absolument pas que le chien puisse avoir la moindre conscience d'une bêtise avant de sentir le mécontentement voire la colère de son propriétaire.
Les réflexions à propos du chien qui se venge ou qui se sent coupable sont des interprétations très anthropomorphisées.
Il vaut donc mieux abandonner toute idée de bêtise à propos du chien. Ça ne fera pas se sentir plus mal le propriétaire et ça a toutes les chances de faire en sorte que le chien se sente mieux.
Au final, leur communication en sera grandement améliorée.

Pourquoi punir alors ?

La punition ne doit être employée que si elle permet de rendre moins probable l'apparition d'un comportement indésirable ET s'il est offert au chien d'adopter un comportement désirable à la place.

Quand un chien prend l'habitude d'exiger de l'attention - il saute, il aboie, il bouscule, il lèche - il est important qu'il comprenne qu'il n'obtiendra rien de cette manière. Pour cela, il suffira bien souvent de le punir en l'ignorant totalement voire en s'en éloignant. À terme, cela va inhiber ce comportement, et donc le rendre moins probable.
On a donc obtenu ce qu'on voulait du chien ; mais lui est perdant dans ce contexte. Or, s'il a quelque chose à gagner, il sera bien plus enclin à abandonner un comportement pour en adopter un autre. En bon opportuniste qu'il est.
La punition ne doit surtout pas être envisagée comme une finalité mais comme un moyen de guider son chien vers d'autres comportements.

8 commentaires:

  1. Merci pour ce blog informateur et très intéressant .
    Ce sujet m'a particulièrement plu !

    Merci également pour les bons conseils que vous nous apportez sur un autre site pour animaux.

    Corinne (13)

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  2. pour ce cas de figure : "Un chien voit son propriétaire rentrer à la maison. Immédiatement, il se précipite sur lui, lui saute dessus, tourne tout autour, le bouscule, lui ressaute dessus, le lèche et aboie."

    Que conseillez-vous ? Cela vous paraît-il être une bonne solution de :

    dire au chien d'aller à sa place, prendre le temps d'enlever sa veste, puis venir le câliner à sa place.

    Est-ce plus adapté pour évite ce comportement de je te saute dessus ?

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    1. Bonjour,
      Veuillez me pardonner pour cette réponse tardive.

      Dans la méthode que vous proposez, il y aurait un problème de timing. C'est à dire que le chien serait récompensé par des caresses bien après vous avoir obéi en retournant à sa place et en se calmant. Il lui serait alors compliqué d'associer le comportement que vous voulez obtenir de lui à la récompense.
      Il me paraît plus judicieux de l'inciter à se calmer en le récompensant juste après. Et tant qu'il ne se calme pas, on l'ignore totalement.

      On reste dans cette optique de relation gagnant/gagnant. S'il ne vous donne pas ce que vous voulez, il n'a rien. S'il vous donne ce que vous voulez, il est récompensé immédiatement après.

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  3. J’apprécie beaucoup cet article qui parle, pour la plupart, de vos responsabilités pour votre chien. Je voulais ajouter mes pensées sur la santé du chien, et ses poids, en particulier. Est-ce qu'on pense souvent aux poids du chien ? Probablement pas, parce qu'un gros chien ne fait pas de souci sur sa taille de robe. Cependant, pour le bien de sa santé, il est important de faire pesé son chien assez souvent, que ce soit chez le vétérinaire, ou avec une balance à la maison.

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  4. Votre article est super je l'ai étudié avec plaisir, pour mieux comprendre mes chiens.
    Merci pour votre engagement dans la cause canine.
    Nous partageons la même passion pour nos chers amis à quatre pattes.
    Sur ma page facebook je regroupe des conseils, des citations, des vidéos etc….
    https://www.facebook.com/Chien-Chic-272838579760563/

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  5. Ha! Quel plaisir de lire des articles censés et intelligemment construits au milieu de toutes les idées reçues qui foisonnent sur internet! Je partage entièrement votre point de vue. Si les gens essayaient de réfléchir un tout petit peu aux conséquences de leurs actions vis à vis de l'animal, leur relation serait tellement plus saine. Patricia Pignier https://www.animheureux.fr/education/comportement-du-chien/

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  6. Bonjours je possède un fox il réclame la porte mais des qu on ferme la porte il aboie est on n a eu des p'ainte des voisin j ai l impression qu il veut qu on laisse la porte ouverte

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Ermont, Ile de France, France
En tant que comportementaliste, je suis spécialisé en comportements canins et j'interviens dans la relation homme-chien. J'aide les propriétaires à mieux comprendre leur chien et à mieux se faire comprendre d'eux. Mon approche est éthologique et systémique.